Pâques,
souvenir d'enfance.
D'après
les Carnets de Mme de Mascarel, née en 1868 et décédée
en 1967 à Gillocourt
Le
5 Avril 1876 (Jeudi de la Semaine Sainte), je me trouvais à Gillocourt.
Ce matin là, je fus toute surprise de voir arriver à la
porte du château une petite troupe composée d'enfants qui
portaient la ceinture et la calotte rouge réservées aux
enfants de choeur dans les cérémonies religieuses. Ils
tenaient à la main un instrument de bois.
Personne autour de
moi ne parut étonné de les voir se présenter ainsi.
Tandis qu'on les faisait entrer, ma mère, voyant ma surprise,
me dit qu'ils venaient, selon l'usage local, annoncer les heures...
C'est ainsi que j'appris que nous étions " en Semaine Sainte",
une semaine très particulière et importante pour les Chrétiens.
A
compter de ce matin, me dit ma mère, la cloche de l'Eglise ne
tintera plus, c'est seulement Dimanche (jour de Pâques) qu'elle
sonnera à la volée "la Résurrection du Christ"
et en attendant, matin, midi et soir pendant 3 jours, les heures et
les offices religieux doivent être annoncés dans tout le
village. Le travail sera dur poursuit-elle, car qu'il pleuve ou qu'il
fasse beau il doit être accompli. La
coutume veut que les enfants s'en chargent. C'est ce qui s'appelle TRETELER,
ROUTELER, TARTELER, me glisse t'elle discrètement à l'oreille.
Malgré toutes ces explications, mon inquiétude allait
grandissante.
Ces
instruments de bois, tous plus bruyants les uns que les autres, m'intriguaient
mais j'étais trop timide pour poser des questions. Et lorsque
les enfants, tous en choeur, se mirent à déclamer une
liste de noms incompréhensibles : "TARTELLE,KARTELLE, TOURTELLE",
et bien d'autres...j'eus envie de fuir. Ma mère, voyant mon désarroi,
me cria haut et fort : " Ce sont des CRECELLES". Ouf ! J'étais
rassurée... Cet instrument de bois fait d'un marteau venant f
r a p p e r une planchette et qu'ils surnommaient "MARTELET ou
BATTELET" était donc une "CRECELLE" ! Cet autre,
constitué de poignées de fer articulées, fixées
sur une planchette et qu'ils appelaient "CLAQUOIRE, CLIQUETTE ou
CLAPET" était aussi une "CRECELLE" ! Mais la plupart
des CRECELLES, que les enfants de choeur agitaient devant nous, ressemblait
à une sorte de moulinet denté muni d'une languette de
bois flexible. Ce n'est que plus tard que j'appris ce qu'était
une "EKALETTE" ou "EKALATE" une "EQUERCELLE",
un "ROUTELOIRE". Ces instruments de bois étaient aussi
des CRECELLES !
Le
samedi matin, vers 7 heures, eut lieu la dernière tournée.
C'était aussi" le retour des cloches". Les enfants,
tenant à la main une petite fourche à deux dents dont
le manche était terminé par un crochet de fer, partirent
"cueillir leur POCAGE ou POQUAGE". L'un d'eux tenait un panier
suspendu au bout de son arme, qu'il portait sur l'épaule à
la façon d'un soldat en marche. Ensemble ils parcoururent le
territoire de la commune, allant de ferme en ferme, de maison en maison,
solliciter leurs oeufs de Pâques comptant sur la générosité
des habitants. Dans les fermes, ils chantèrent quelques couplets
et reçurent en échange des oeufs qu'ils déposèrent
dans le panier. Dans les maisons aisées, quelques sous les dédommagèrent
de leur peine, et, dans l'espoir d'une récompense plus riche,
ils y récitèrent tout leur répertoire.
Eliane
d'Aboville
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